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timestamp: "00:00:06"
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title: "Introduction et contexte de l'innovation policière"
quote: "Je ne comprenais pas pourquoi les gens n'étaient pas plus intéressés par les chiffres et les modèles... il a dit 'nous commençons à utiliser les chiffres, mais nous utilisons encore notre intuition'"
details:
Cette conférence marque un événement majeur pour Policy Exchange, centré sur l'innovation et les meilleures pratiques internationales en matière de police. L'introduction souligne le décalage historique entre la criminologie environnementale, qui étudie les modèles de délinquance, et les pratiques policières conventionnelles, souvent réactives. Pendant des années, les leçons de l'analyse des schémas criminels ont été lentement absorbées par le milieu policier, comme en témoigne l'émergence de la police des "points chauds" (hotspot policing) dans les années 1990. L'intervenant, Roger, exprime son espoir de voir comment l'intuition policière, ou le "feeling", peut coexister avec la complexité et la rigueur forensique des nouvelles techniques de police prédictive. Cette tension entre l'expérience humaine et l'analyse de données constitue le fil conducteur de la présentation. Le but est d'explorer comment des données propres et volumineuses peuvent être exploitées pour améliorer la réduction de la criminalité, en passant d'une approche réactive à une approche plus proactive et fondée sur des preuves.
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timestamp: "00:02:56"
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title: "Définition et principes fondamentaux de la police prédictive"
quote: "La question que nous nous posions sans cesse était : et si vous pouviez arrêter un crime avant qu'il ne se produise ?"
details:
Le capitaine Sean Malinowski définit la police prédictive comme une stratégie fondée sur des preuves, et non sur le simple bon sens ou l'intuition. Il insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une approche inspirée du film "Minority Report", où des individus sont arrêtés avant de commettre un crime. Au contraire, la police prédictive se concentre sur des lieux géographiques, et non sur des individus, évitant ainsi tout profilage. L'objectif n'est pas non plus d'augmenter le nombre d'arrestations ; Malinowski estime qu'arrestations massives sont inefficaces pour résoudre le volume de criminalité. L'idée centrale est de perturber l'activité criminelle en déployant des ressources rares de manière optimale, là où le risque est le plus élevé, plutôt que de patrouiller de manière aléatoire ou uniforme. Cette méthode s'appuie sur le hotspot policing, mais offre une spécificité bien plus grande dans le temps et l'espace. Le projet du LAPD (Los Angeles Police Department) vise à prédire avec précision l'occurrence de crimes grâce à la modélisation informatique, avec un taux de précision avoisinant les 70%, et de rendre ces prédictions actionnables sur le terrain pour les officiers.
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timestamp: "00:05:26"
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title: "La méthodologie : des boîtes prédictives et l'étude randomisée"
quote: "J'ai dû faire une vérification de mon intuition... c'était une nuit un peu sans sommeil, vous savez, mais ça fonctionne."
details:
La méthodologie opérationnelle repose sur la génération de "boîtes" prédictives de 500 pieds par 500 pieds (environ 150x150 mètres), distribuées sur une zone de 50 miles carrés. Ces boîtes, au nombre de 20 par jour, sont extrêmement spécifiques et bien plus petites que les zones de mission utilisées auparavant, qui étaient basées sur une analyse rétrospective sur 7 ou 28 jours et une grande part d'intuition. Le modèle utilise des données simples et épurées : uniquement les crimes signalés (vols avec effraction, vols de véhicules et vols dans les véhicules) sur une période de trois ans, avec leur date, heure et lieu. L'algorithme, un modèle de processus de Hawkes, identifie les modèles significatifs et écarte le "bruit de fond". Un aspect crucial est la mise en place d'une étude randomisée et contrôlée : certains jours, les missions sont générées par l'ordinateur (groupe de traitement), et d'autres jours, elles sont recréées par les commandants selon les méthodes traditionnelles (groupe de contrôle). Cela permet une évaluation rigoureuse de l'efficacité. Le concept de "dosage" est également introduit : les officiers doivent enregistrer le temps passé dans chaque boîte pour mesurer l'intensité de l'intervention, une innovation majeure pour comprendre la relation entre la présence policière et la réduction de la criminalité.
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timestamp: "00:10:29"
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title: "L'adhésion des officiers et la mesure du succès"
quote: "Le succès, pour moi, c'est que nous examinons nos chiffres de la criminalité pour cette semaine et qu'au lieu d'avoir 10 ou 12 cambriolages de véhicules, ce nombre est tombé à 8."
details:
Un défi majeur est d'obtenir l'adhésion des officiers de terrain. La stratégie a été présentée non pas comme un retrait de leur pouvoir décisionnel, mais comme un outil leur fournissant de meilleures informations. Une fois dans la "boîte", on attend des officiers qu'ils utilisent leur expertise pour résoudre les problèmes locaux (par exemple, identifier un manque d'éclairage, discuter avec les résidents pour renforcer la sécurité). Le capitaine Malinowski, en tant que commandant "zélé", a personnellement œuvré pour créer un climat de confiance. Le succès est mesuré par une réduction du nombre de victimes, et non par une augmentation des arrestations. Des effets positifs secondaires sont anticipés : moins de crimes signifient moins de temps passé au poste à remplir des rapports, libérant ainsi plus de temps pour les patrouilles de prévention, créant un effet cumulatif. La question de la mesure est complexe ; l'étude randomisée est conçue pour isoler l'impact de la police prédictive par rapport aux méthodes traditionnelles. Les premiers résultats, bien que préliminaires, suggèrent une réduction de 4 à 5 crimes par semaine pour les trois types de crimes ciblés, ce qui représente une baisse significative d'environ 10% sur un total hebdomadaire d'environ 50 crimes.
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timestamp: "00:20:13"
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title: "Fondements théoriques : du comportement de chasseur-cueilleur à la criminologie"
quote: "La police prédictive n'est pas un nouveau paradigme policier... c'est un affinement forensique. C'est une meilleure façon d'allouer des ressources rares."
details:
Le Dr George Tita, de l'Université de Californie à Irvine, présente les fondements théoriques de l'approche. L'algorithme n'est pas une "boîte noire" mais s'appuie sur des principes de sciences sociales solides, notamment l'étude du comportement de chasseur-cueilleur. L'idée est que les déplacements et les comportements des individus, y compris des criminels, dans leur environnement sont prévisibles. Le modèle est étroitement lié au phénomène bien documenté de la "répétition proche" (near repeat victimization), où le risque pour une victime ou son voisinage augmente juste après un crime. Ce phénomène s'explique par l'auto-excitation : un crime réussi encourage le même délinquant ou son réseau à revenir, créant des grappes spatio-temporelles. Le modèle de processus de Hawkes utilisé est conçu pour capturer mathématiquement cette auto-excitation, en distinguant les modèles significatifs du bruit aléatoire sur de vastes ensembles de données. Cette base théorique renforce la validité de l'approche, la présentant comme un raffinement logique et scientifique des stratégies existantes, essentiel pour continuer à réduire la criminalité une fois les "fruits à portée de main" déjà cueillis.
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timestamp: "00:30:31"
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title: "Détails opérationnels et défis de mise en œuvre"
quote: "Si je vous remettais une carte de la ville de Los Angeles... j'aurais une bonne idée de l'endroit où allouer les ressources... nous serions toujours biaisés."
details:
La mise en œuvre quotidienne est détaillée. Un analyste criminalistique télécharge chaque matin les données des crimes jusqu'à cette date, qui alimentent l'algorithme. Le logiciel génère alors 20 boîtes prédictives. Grâce à la randomisation, certains jours, l'analyste doit recréer manuellement des boîtes selon l'ancienne méthode (contrôle). L'expérience se déroule du lundi au vendredi. Un défi important est d'éviter la "contamination" entre les zones de traitement et de contrôle, mais les chercheurs estiment que le biais humain (comme le déploiement instinctif dans des zones socio-économiquement défavorisées) est un plus grand risque que les différences environnementales. Le modèle, en étant uniquement basé sur les données de criminalité, élimine explicitement ce biais. Les crimes ciblés (burglary, burglary from motor vehicle, grand theft auto) représentent 75% de la criminalité totale à Los Angeles et sont considérés comme ceux sur lesquels la police a le plus d'impact via une surveillance accrue. Les officiers reçoivent les cartes des boîtes et sont invités à y passer du temps entre leurs interventions d'urgence. Le système d'enregistrement du "dosage" (temps passé dans la boîte) est crucial mais imparfait sans GPS, dont l'arrivée est anticipée. La spécificité des boîtes, bien que parfois coupant des limites pratiques, force les officiers à sortir de leur véhicule et à observer leur environnement de près.
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