"La classe dehors ou les plaisirs cachés ?" Conversation avec Theodore Zeldin et Benjamin Gentils

La classe dehors et la réinvention de l'éducation

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title: "Les limites de l'éducation traditionnelle et l'appel à une vision élargie"

quote: "ma première réaction c'est que vos ambitions sont trop limitées et que il ne prennent pas encore on considération suffisamment les de notre époque et de l'avenir de climat le changement de déclin climat"

details:

Théodore Zeldin commence par remettre en question le concept même de "classe dehors" en soulignant son insuffisance face aux défis contemporains. Il établit d'emblée que les modèles éducatifs actuels, y compris les initiatives de classe en nature, restent trop ancrés dans des paradigmes historiquement dépassés. L'historien rappelle que notre conception de l'enfance date principalement du 18e siècle, époque où l'on considérait l'enfant comme un être pur et innocent devant être protégé, une vision qui ne correspond plus aux réalités du 21e siècle. Cette perspective historique lui permet de contextualiser les limites actuelles des systèmes éducatifs qui continuent de fonctionner sur des bases conceptuelles obsolètes, incapables de répondre aux urgences climatiques et sociales contemporaines.

Zeldin partage ensuite son expérience éducative personnelle pour illustrer les possibilités d'une éducation différente. Ayant quitté l'école à 15 ans après avoir réussi tous les examens, il a poursuivi ses études dans des conditions atypiques, entouré de personnes plus âgées à l'Université de Londres. Cette expérience lui a révélé l'importance des conversations individuelles avec des professeurs éminents et de l'auto-formation en bibliothèque. Il développe l'idée que l'éducation devrait être un processus de découverte continue plutôt qu'une simple préparation à l'emploi, critiquant la transformation des universités en "fabriques de diplômes" qui ont perdu de vue la dimension humaine et relationnelle de l'apprentissage.

L'analyse se poursuit par une critique sévère de ce qu'il appelle "la faillite de l'éducation" contemporaine. Zeldin observe que nos systèmes éducatifs ne préparent plus les individus à distinguer la vérité du mensonge, comme en témoignent les promesses politiques irréalistes et la montée des populismes. Il souligne l'incapacité actuelle à développer les compétences relationnelles essentielles pour réduire les conflits et la haine dans la société. Cette carence éducative fondamentale explique selon lui pourquoi les sociétés modernes peinent à faire face aux défis complexes comme les changements climatiques ou les tensions internationales.

Enfin, Zeldin élargit sa réflexion au-delà du cadre scolaire traditionnel en proposant une reconsidération complète de "l'art de vivre". Il insiste sur la nécessité de repenser notre relation au travail et à la vie rurale, particulièrement dans un contexte où 75% de la population mondiale vit désormais en milieu urbain. L'éducation devrait selon lui préparer les individus à ces nouvelles réalités plutôt que de reproduire des modèles hérités du passé. Cette vision nécessite une transformation profonde des objectifs éducatifs, passant d'une logique de spécialisation à une approche holistique du développement humain.

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title: "La nature comme révélateur des complexités humaines et environnementales"

quote: "cette idée de la classe de rôle est quelque chose de nouveau qui elle doit prendre en conscience le fait que ce qui se passe dans la nature la plupart des choses sont invisibles"

details:

Zeldin développe une conception philosophique de la nature comme espace de révélation des complexités invisibles qui régissent notre existence. Il argue que sortir dehors ne signifie pas simplement quitter les murs de la classe, mais plutôt s'ouvrir à une réalité plus vaste où la plupart des phénomènes échappent à notre perception immédiate. La nature devient ainsi un laboratoire d'exploration des interdépendances complexes entre humains, animaux et plantes, remettant en cause l'idée simpliste d'une liberté retrouvée dans l'environnement naturel. Au contraire, il souligne que la nature nous confronte à notre ignorance et à notre vulnérabilité, nous rendant "encore plus ouvert à toutes les nouveautés" qui défient nos certitudes.

L'historien établit un lien crucial entre la crise climatique et les crises relationnelles humaines, présentant la haine et les querelles comme des obstacles majeurs à la résolution des problèmes environnementaux. Il analyse comment la peur de l'avenir et la nostalgie du passé se manifestent dans le paysage politique contemporain, créant des divisions qui entravent l'action collective. Cette perspective permet de comprendre les résistances aux changements nécessaires, qu'ils soient éducatifs ou environnementaux, comme relevant de dynamiques psychologiques et sociales profondes qui dépassent les simples considérations techniques ou pédagogiques.

Zeldin propose ensuite une critique des approches éducatives qui séparent la connaissance de la nature de la compréhension des actions humaines sur celle-ci. Il illustre ce point par l'exemple de la Chine, où une riche tradition de poésie et d'art célébrant la nature coexiste avec une histoire de déforestation et de transformation environnementale radicale. Cette contradiction révèle selon lui les limites d'une relation purement esthétique ou intellectuelle à la nature, qui peut masquer des pratiques destructrices. L'éducation doit donc intégrer cette dimension critique pour éviter de reproduire des schémas où l'amour théorique de la nature cache sa destruction concrète.

Enfin, la réflexion s'élargit à la question des modes de vie dans un monde urbanisé. Zeldin interroge la viabilité de nos systèmes alimentaires et économiques, soulignant notre incapacité actuelle à "nous nourrir de façon raisonnable". Il invite à repenser fondamentalement notre organisation sociale et économique, au-delà des simples adaptations pédagogiques. La classe dehors devient ainsi le point de départ d'une remise en question plus large de nos manières d'habiter le monde, nécessitant des "changements énormes" dans nos conceptions du travail, de la consommation et de la vie collective.

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timestamp: "00:23:40"

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title: "La conversation comme vaccin relationnel et découverte de soi"

quote: "je regarde les relations humaines comme une forme de vaccination c'est dire on accepte l'autre quelque chose qui vous permet de sympathiser avec des gens tout à fait différents apparemment"

details:

Zeldin introduit la métaphore médicale de la vaccination pour décrire le pouvoir transformateur de la conversation authentique. Tout comme un vaccin introduit une forme atténuée d'un pathogène pour stimuler les défenses immunitaires, la rencontre avec l'altérité dans la conversation permet de développer une capacité à comprendre et apprécier les différences. Cette approche présente la diversité humaine non comme une menace mais comme une ressource essentielle pour notre développement personnel et collectif. Il souligne particulièrement l'importance de ces échanges pour les jeunes, citant l'exemple d'enfants qui "ne savent pas parler" parce qu'ils n'ont pas l'habitude de véritables conversations, préférant les écrans passifs.

Le concept d'éducation est réinterprété à travers son étymologie latine et chrétienne - "educere" signifie "conduire hors de", amenant les personnes vers autre chose qu'elles-mêmes. Zeldin défend une vision de l'éducation comme processus de transformation et d'élargissement des horizons, plutôt que comme simple transmission de connaissances. Cette approche rejoint l'observation des enfants découvrant la nature : en observant l'araignée quittant sa toile ou la fourmi sortant de sa maison, l'enfant ne découvre pas seulement le monde extérieur mais aussi sa propre intériorité. La rencontre avec l'altérité, qu'elle soit naturelle ou humaine, devient ainsi un miroir pour la découverte de soi.

L'analyse aborde ensuite les peurs sociales qui entravent ces rencontres transformatrices, en prenant l'exemple du Brexit et de la "peur des étrangers" qu'il a exacerbée. Zeldin décrit comment cette peur se manifeste dans les politiques éducatives, comme les restrictions concernant les étudiants étrangers dans les universités britanniques. Il voit dans la classe dehors une opportunité de dépasser ces craintes en créant des espaces où l'on peut "voir" et rencontrer concrètement ce qui nous est étranger. Cette approche experientialle contraste avec les discours abstraits sur la diversité, offrant une alternative aux réactions de repli identitaire.

Enfin, Zeldin élargit la notion de "dehors" au-delà de la nature pour inclure la découverte de la diversité des métiers, des cultures et des perspectives humaines. Il critique la spécialisation précoce et l'enfermement dans des disciplines séparées, plaidant pour une éducation qui prepare à comprendre "ce que c'est la vie" dans toute sa complexité. Cette vision holistique nécessite selon lui de repenser radicalement les structures éducatives pour permettre des rencontres authentiques avec toutes les formes d'altérité, des différentes cultures aux diverses espèces vivantes.

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timestamp: "00:30:12"

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title: "Coopération et bouleversement des compétences traditionnelles"

quote: "dehors on est ni plus libre ni plus limité mais plus lié"

details:

Le webinaire explore comment la classe dehors modifie les dynamiques relationnelles et valorise des compétences traditionnellement marginalisées. La nature devient un espace où les hiérarchies scolaires conventionnelles sont perturbées, permettant à des élèves qui peinent en classe de révéler d'autres talents. Cette observation rejoint la réflexion de Zeldin sur la nécessité de reconnaître la diversité des intelligences et des capacités, au-delà des compétences purement académiques. La coopération naturelle qui émerge dans ces contextes offre un modèle alternatif aux relations compétitives qui dominent souvent en milieu scolaire fermé.

Zeldin propose une réforme profonde de l'enseignement de l'histoire pour y intégrer les questions environnementales et les perspectives souvent négligées. Il critique l'approche traditionnelle centrée sur les batailles et les grands hommes, lui préférant une histoire des "protestations des gens qui ne réussissent pas". Cette reorientation permettrait selon lui de comprendre pourquoi des idéaux nobles comme "aimez vos ennemis" ont si souvent échoué dans l'histoire. L'éducation historique devrait ainsi préparer à affronter les défis contemporains en examinant les tentatives passées de résolution des conflits et des crises.

La discussion aborde ensuite la dimension internationale de l'éducation, Zeldin soulignant qu'aucun pays ne peut plus résoudre seul les défis globaux. Le voyage, sous toutes ses formes, est présenté comme essentiel pour comprendre la complexité du monde et développer l'empathie nécessaire à la coopération internationale. Cette vision s'oppose aux tendances nationalistes et protectionnistes, rappelant que les problèmes comme les changements climatiques ou les pandémies requièrent des réponses coordonnées au niveau mondial.

Enfin, les participants explorent les obstacles politiques et structurels aux changements éducatifs. Zeldin exprime son scepticisme quant à la possibilité de transformations significatives sans réformes politiques profondes, notant que les systèmes éducatifs reflètent les structures de pouvoir existantes. Cependant, d'autres intervenants soulignent l'importance des initiatives locales et de la capacité des enseignants à "s'autoriser" des innovations malgré les contraintes. Cette tension entre transformation systémique et changement par la base reste au cœur des débats sur l'avenir de l'éducation.

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timestamp: "00:40:14"

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title: "Reconstruction de la relation à la biosphère comme matrice humaine"

quote: "est-ce qu'on peut pas la créer avec cette relation à une reconstruite à la nature une matrice de la relation humaine"