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Richard Breitman and Norman J.W. Goda HITLER’S SHADOW Nazi War Criminals, U.S. Intelligence, and the Cold War O O (partie 1)

L'ombre nazie : Criminels de guerre, renseignement américain et Guerre Froide

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**chapter:** "1"

**title:** "Nouvelles informations sur les figures nazies majeures"

**quote:** "Hitler était inquiet et marchait d'une pièce à l'autre. Il dit qu'il attendrait que les courriers soient arrivés à destination avec les testaments et qu'alors il se suiciderait."

**details:**

Les interrogatoires inédits de Gertraud Junge, secrétaire personnelle d'Hitler, par le CIC en 1946 apportent des détails précieux sur les derniers jours du Führer dans le bunker. Junge confirme la mort de Martin Bormann par des tirs soviétiques, contredisant les théories sur sa fuite en Amérique du Sud. Elle décrit également les tentatives soviétiques pour la recruter afin de démanteler les réseaux nazis résiduels. Ces interrogatoires précoces, réalisés juste après son retour d'emprisonnement soviétique, offrent un récit plus immédiat et nuancé que ses déclarations ultérieures.

Les documents saisis sur Arthur Greiser, Gauleiter du Warthegau, éclairent les conflits politiques au sein de l'appareil nazi concernant la gestion de Dantzig avant 1939. Ces archives révèlent les désaccords entre Greiser, qui prônait une approche modérée, et Albert Forster, favorable à la confrontation avec la Pologne. Les documents de Greiser constituent des preuves supplémentaires des crimes contre la paix, montrant comment les tensions autour de Dantzig ont servi de prétexte à l'invasion de la Pologne.

Le dossier Eichmann révèle que les services de renseignement alliés possédaient très tôt des informations substantielles sur son rôle dans la Shoah. Dès novembre 1945, un rapport du Counter-Intelligence War Room de Londres le qualifiait de "criminel de guerre de la plus haute importance" et détaillait ses activités. Paradoxalement, Eichmann était alors détenu dans un camp américain sous le pseudonyme d'Otto Eckmann, échappant ainsi à la reconnaissance jusqu'à son évasion en 1946.

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**chapter:** "2"

**title:** "Les nazis et le Moyen-Orient"

**quote:** "L'intention allemande dans les pays arabes était basée sur l'attente d'établir des gouvernements pro-allemands au Moyen-Orient."

**details:**

Le témoignage de Franz Hoth révèle les préparatifs nazis pour l'Einsatzkommando Egypte, une unité spéciale destinée à accompagner l'Afrika Korps dans sa conquête projetée du Moyen-Orient. Des officiers SS suivirent des formations spécifiques à Berlin et Rome en 1941 pour se préparer à l'administration coloniale allemande. Cette unité, commandée par Walter Rauff (inventeur des camions à gaz), devait appliquer les "mesures exécutives" contre les civils, impliquant clairement l'extermination des juifs de Palestine.

Les archives déclassifiées documentent le financement substantiel par l'Allemagne nazie du Grand Mufti de Jérusalem Haj Amin al-Husseini et de l'ancien premier ministre irakien Rashid Ali el-Gailani. Husseini recevait 50 000 marks mensuels pour ses dépenses opérationnelles, plus 80 000 marks pour ses frais de vie - une fortune comparée au salaire annuel d'un maréchal allemand (26 500 marks). Un contrat signé en avril 1945 prévoyait même la continuation des paiements après la défaite allemande, montrant la persistance de cette alliance idéologique.

Le parcours de Wilhelm Beisner illustre la transition des criminels nazis vers les services de renseignement arabes. Ancien officier du SD et membre de l'Einsatzkommando Egypte, Beisner travailla après-guerre pour les services français, ouest-allemands et égyptiens. Au Caire, il reprit contact avec Husseini et participa à des transactions d'armes pour le gouvernement égyptien, tout en maintenant des liens avec d'autres fugitifs nazis comme Alois Brunner et Franz Rademacher.

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**chapter:** "3"

**title:** "Nouveaux documents sur d'anciens officiers de la Gestapo"

**quote:** "Supposons que vous, Américains, soyez en Allemagne à combattre la Russie, et que certains Allemands vous sabotent... Vous les pendriez. Et à juste titre."

**details:**

Le cas de Rudolf Mildner démontre comment le CIC a initialement sous-estimé les crimes d'anciens responsables de la Gestapo. Bien que Mildner ait supervisé les déportations de juifs viennois vers Auschwitz et ordonné l'exécution de centaines de résistants polonais, le CIC le considérait comme "coopératif" et "fiable". Son transfert à Nuremberg comme témoin contre Kaltenbrunner lui offrit une plateforme pour minimiser ses crimes, avant son évasion mystérieuse en 1946 d'un camp d'internement américain.

Les archives révèlent l'utilisation systématique d'anciens officiers de la Gestapo par le CIC pour infiltrer le Parti communiste allemand (KPD). Malgré une directive de 1949 limitant théoriquement leur emploi, des agents comme Klaus Barbie furent recrutés pour leur expertise anticommuniste. En Bade, le CIC reconstitua méticuleusement les organigrammes de la Gestapo locale et contacta systématiquement d'anciens membres, avec des succès variables selon leur volonté de coopérer.

La reconstruction détaillée par l'armée américaine des structures de la Gestapo à Vienne (rapport de 142 pages en 1946) servait moins à poursuivre les criminels de guerre qu'à identifier d'éventuels experts en sécurité réutilisables. Cette approche pragmatique explique pourquoi des criminels comme Mildner purent échapper à la justice, certains trouvant refuge en Argentine où ils croisèrent d'anciens collègues comme Eichmann.

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**chapter:** "4"

**title:** "Le CIC et la politique d'extrême-droite"

**quote:** "Il est également estimé que la poursuite des criminels de guerre n'est plus considérée comme d'intérêt primordial pour les autorités américaines."

**details:**

En 1952, face à une demande des autorités autrichiennes concernant la traque d'Eichmann, le CIC nota que sa mission n'incluait plus l'arrestation des criminels de guerre. Cette position institutionnelle reflète l'évolution des priorités du renseignement américain, où la lutte anticommuniste primait désormais sur le devoir de justice envers les crimes nazis. Le CIC recommanda néanmoins de maintenir un intérêt formel pour Eichmann en raison de l'implication d'Israël.

La CIA adopta une position similaire en 1953 lorsqu'un sénateur américain demanda son aide pour localiser Eichmann. L'agence répondit qu'elle n'était "pas dans le business de l'appréhension des criminels de guerre" mais qu'elle transmettrait toute information aux autorités ouest-allemandes. Cette position bureaucratique contrastait avec l'importance symbolique d'Eichmann, déjà identifié comme responsable de l'extermination de six millions de juifs lors du procès de Nuremberg.

Les dossiers déclassifiés montrent comment la priorité donnée au renseignement anticommuniste a conduit à protéger certains criminels. Le CIC tolérait les activités d'anciens nazis impliqués dans des réseaux d'extrême-droite tant qu'ils fournissaient des informations sur les communistes. Cette approche utilitaire explique pourquoi des figures compromises purent continuer leurs activités politiques dans l'ombre avec une relative impunité.

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**chapter:** "5"

**title:** "Collaborateurs : Les nationalistes ukrainiens et les services alliés"

**quote:** "La documentation montre des preuves de crimes de guerre et sur les activités en temps de guerre des criminels de guerre ; des documents d'après-guerre sur la recherche des criminels de guerre ; des documents sur l'évasion des criminels de guerre."

**details:**

Les archives de l'IRR documentent l'utilisation par les services américains de collaborateurs ukrainiens ayant commis des crimes de guerre. L'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et son bras armé, l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), furent partiellement intégrés dans des réseaux de renseignement anticommunistes malgré leur implication dans l'extermination des populations juives et polonaises.

Les nouveaux documents révèlent comment certains responsables américains fermèrent les yeux sur les antécédents criminels de collaborateurs ukrainiens au nom de la lutte contre l'Union soviétique. Cette politique d'opportunisme géostratégique permit à des individus compromis dans la Shoah et les massacres de civils de trouver une protection et une nouvelle utilité dans le contexte de la Guerre Froide.

Le cas des nationalistes ukrainiens illustre le schéma plus large de la récupération par les services occidentaux d'anciens collaborateurs nazis présentant une valeur anticommuniste. Ces alliances tactiques, bien que compréhensibles dans le contexte de l'époque, eurent pour conséquence de permettre à certains criminels de guerre d'échapper à la justice et de perpétuer leurs activités dans l'après-guerre.

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**chapter:** "6"

**title:** "Conclusion : L'ombre persistante du nazisme"

**quote:** "Ces hommes ont pu perpétuer et transmettre à d'autres l'antisémitisme racial-idéologique nazi."

**details:**

Les documents déclassifiés confirment que la priorité donnée à la Guerre Froide a progressivement éclipsé la poursuite des criminels nazis. Dès les années 1950, les agences de renseignement américaines considéraient que la traque des criminels de guerre n'était plus "d'intérêt primordial", ouvrant la voie à la protection ou à l'utilisation utilitaire de certains d'entre eux.

Les archives révèlent la continuité idéologique de nombreux criminels nazis ayant trouvé refuge au Moyen-Orient. Des figures comme Beisner, Rademacher et Brunner continuèrent à promouvoir l'antisémitisme nazi dans leur nouvel environnement, maintenant des liens avec d'anciens collaborateurs comme le Grand Mufti Husseini et établissant des connexions avec les nouveaux régimes arabes.

La déclassification tardive de ces documents (certains seulement en 2009) soulève des questions sur la transparence des agences de renseignement. Les difficultés techniques et les réticences bureaucratiques ont retardé pendant des décennies l'accès à une documentation essentielle pour comprendre l'ampleur de la collaboration avec d'anciens nazis et l'abandon progressif de leur poursuite.