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chapter: "1"
title: "Introduction : La Rizome comme modèle alternatif"
quote: "La livre n'a ni objet ni sujet, elle est faite de matières diversement datées, de vitesses et de tenues diverses."
details:
Le livre est présenté comme une "agencement machinique" plutôt qu'un objet organique traditionnel. Deleuze et Guattari développent l'idée que le livre fonctionne comme une machine connectée à d'autres machines (guerre, amour, révolution), sans référence à un sujet ou objet transcendant. Cette conception s'oppose radicalement à la vision classique du livre comme représentation du monde, lui préférant une approche où le texte existe par et dans l'extériorité. La littérature devient ainsi un agencement qui ne relève pas de l'idéologie mais de connexions pratiques avec divers régimes de signes et réalités sociales.
La critique du modèle arborescent constitue le cœur de cette introduction. Les auteurs opposent la pensée "racine" (hiérarchique, binaire, fondée sur l'Un qui devient Deux) au modèle rhizomatique. Ils dénoncent la persistance de cette logique arborescente dans des disciplines modernes comme la linguistique chomskienne ou la psychanalyse, qui maintiennent des structures de pouvoir à travers l'imposition d'unités transcendantes. Le rhizome se présente comme une alternative décentralisée et non-hiérarchique à cette tradition occidentale.
Les six principes fondamentaux du rhizome sont systématiquement exposés : connexion et hétérogénéité (tout point peut être connecté à tout autre), multiplicité (le multiple comme substantif), rupture asignifiante (capacité de reprendre après coupures), cartographie et décalcomanie (préférence pour les cartes ouvertes aux calques fermés). Ces principes définissent un système acentré, non-signifiant et dépourvu d'organisation mémoire centralisée.
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chapter: "2"
title: "La Rizome contre l'arbre : principes et caractéristiques"
quote: "Faites des rhizomes, et pas des racines, ne plantez jamais ! Ne semez pas, piquez !"
details:
La distinction entre racine pivotante (système hiérarchique classique) et racine fasciculée (système apparemment multiple mais conservant une unité secrète) permet de montrer comment même les modèles modernes restent prisonniers de la logique de l'Un. Les auteurs analysent comment des méthodes comme le cut-up de Burroughs ou les mots à racines multiples de Joyce reproduisent finalement une unité circulaire ou totale. Le rhizome s'en distingue par son principe de soustraction (n-1) plutôt que d'addition d'unités.
L'analyse des exemples biologiques (orchidée et guêpe, virus transférant de l'information génétique entre espèces) illustre le concept de "devenir" par capture de code plutôt que par imitation. Ces exemples démontrent comment le rhizome fonctionne par connexions transversales entre lignes hétérogènes, créant des évolutions parallèles sans relation mimétique. Cette approche remet en cause les schémas évolutionnistes arborescents traditionnels.
La cartographie s'oppose à la calque comme méthode de connaissance : là où la calque reproduit un inconscient déjà structuré, la carte le construit en connectant des champs et en ouvrant des corps sans organes. Cette distinction fondamentale engage une pratique différente de l'écriture et de la pensée, privilégiant le repérage de lignes de fuite et la production de nouveaux agencements plutôt que la reproduction de structures existantes.
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chapter: "3"
title: "Applications et implications du modèle rhizomatique"
quote: "Écrire à n, à n-1. Écrire par slogans : Faites des rhizomes, pas des racines, ne plantez jamais !"
details:
L'application du modèle rhizomatique à la psychanalyse révèle une opposition fondamentale entre l'approche freudienne (calque, arbre généalogique, centralité du complexe d'Œdipe) et le "schizoanalyse" qui privilégie la cartographie des désirs. L'exemple du Petit Hans montre comment la psychanalyse brise les rhizomes de l'enfant pour les replier sur des structures familiales. La méthode de Fernand Deligny avec les enfants autistes illustre au contraire une approche cartographique.
La dimension géopolitique du rhizome est explorée à travers l'opposition Orient/Occident. L'Occident représente la culture des plantes à graines et l'élevage sélectif, fondés sur la transcendance et la reproduction, tandis que l'Orient incarne la culture des tubercules et le jardinage, associés à l'immanence. L'Amérique fonctionne comme un médiateur rhizomatique où se mêlent arbre et canal, racine et rhizome.
Le cerveau et la mémoire sont réinterprétés selon le modèle rhizomatique : le cerveau comme herbe plutôt qu'arbre, la mémoire à court terme comme rhizome par opposition à la mémoire à long terme arborescente. Ces reconceptualisations s'étendent aux systèmes informatiques, où les auteurs opposent les systèmes acentrés aux structures hiérarchiques, citant les travaux de Rosenstiehl et Petitot sur les automates finis.
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chapter: "4"
title: "Le Plateau comme unité rhizomatique"
quote: "Nous appelons "plateau" toute multiplicité connectable à d'autres par des tiges souterraines superficielles"
details:
Le concept de "plateau", emprunté à Gregory Bateson, désigne une région continue d'intensités qui se développe sans orientation vers un point culminant ou une fin externe. Contrairement au chapitre traditionnel qui a des points culminants et des conclusions, le plateau maintient une intensité constante. Les auteurs présentent leur livre comme un assemblage de tels plateaux connectés rhizomatiquement.
La méthode d'écriture deleuzo-guattarienne est décrite comme un processus collectif et expérimental où chaque matin, les auteurs choisissaient sur quel plateau travailler, créant des lignes de connexion entre eux. Cette approche s'oppose à la conception traditionnelle du livre comme œuvre organique unifiée, lui préférant une structure en réseau avec de multiples entrées et sorties.
La notion de "devenir" est centrale dans cette conception : devenir-animal, devenir-intense, devenir-imperceptible remplacent les identités fixes. Ces devenirs opèrent par connexions transversales et capture de codes entre entités hétérogènes, suivant la logique du "et... et... et..." plutôt que celle du verbe "être". Cette logique conjonctive caractérise la pensée rhizomatique.
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chapter: "5"
title: "Cas clinique : L'Homme aux loups et la question du multiple"
quote: "Prendre la peau comme multiplicité de pores, de petits trous, de cicatrices ou de trous"
details:
L'analyse du cas de L'Homme aux loups permet aux auteurs de distinguer style névrotique (comparaison d'unités molaires) et style psychotique (perception de multiplicités moléculaires). Freud reconnaît cette différence mais la réduit en faisant du mot l'unité restauratrice là où la chose s'est décomposée. Les auteurs voient dans cette réduction une occasion manquée de penser véritablement le multiple.
La question "un loup ou plusieurs?" devient emblématique de cette opposition entre approche molaire et moléculaire. L'interprétation freudienne privilégie l'unité (le père, le phallus) là où le matériel clinique suggère une multiplicité de loups, de regards, de positions. Cette réduction illustre la tendance de la psychanalyse à rabattre le rhizomatique sur l'arborescent.
La clinique des multiplicités moléculaires ouvre sur une nouvelle compréhension des phénomènes de devenir, où de minuscules éléments (pores de la peau, mailles d'un bas) peuvent "devenir" autre chose par intensification et connexion. Cette micro-logique s'oppose à la macro-logique des identifications et comparaisons névrotiques.
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chapter: "6"
title: "Dimensions politiques et sociales du rhizome"