---
timestamp: "00:00:16"
marker: "!"
title: "Introduction et contexte de l'œuvre de Carl Schmitt"
quote: "Le Léviathan dans la théorie de l'État de Thomas Hobbes : signification et échec d'un symbole politique"
details:
L'œuvre de Carl Schmitt, publiée en 1938, est une analyse approfondie du symbole du Léviathan chez Thomas Hobbes et de son échec comme mythe politique. Schmitt situe sa réflexion dans le contexte historique et intellectuel des années 1930, marquées par la montée du nazisme et les transformations de l'État moderne. La traduction et l'introduction de George Schwab mettent en lumière les enjeux philosophiques et politiques de ce texte, en soulignant son importance pour comprendre la pensée schmittienne à un moment charnière de sa carrière. Schmitt y explore les fondements de la théorie hobbesienne de l'État, tout en offrant une critique implicite des régimes totalitaires de son temps.
George Schwab, dans son introduction, présente Schmitt comme un intellectuel marginalisé après 1936, suite aux attaques de la SS. Cette marginalisation force Schmitt à se retirer de la vie publique et à se concentrer sur des questions de théorie politique et de droit international. Son étude sur Hobbes devient ainsi un moyen d'exprimer ses réserves envers le régime nazi, tout en réaffirmant sa propre conception de l'État qualitatif et total. Schwab insiste sur le fait que Schmitt utilise Hobbes pour critiquer l'évolution du IIIe Reich vers un État purement quantitatif et répressif, où la relation protection-obéissance est rompue.
Schmitt lui-même, dans son introduction, présente son travail comme le fruit de conférences données en 1938. Il souligne la dimension symbolique et mythique du Léviathan, qui dépasse la simple illustration philosophique pour devenir une force historique et politique. Schmitt affirme vouloir rendre justice à la pensée de Hobbes sans tomber dans une analyse stérile, tout en reconnaissant le danger que représente l'utilisation d'un symbole aussi puissant et ambigu que le Léviathan.
---
---
timestamp: "00:03:05"
marker: "!"
title: "La théorie de l'État qualitatif chez Schmitt"
quote: "L'État total qualitatif est au-dessus de la société et possède le monopole du politique."
details:
Schmitt développe sa conception de l'État qualitatif total, qu'il oppose à l'État quantitatif. L'État qualitatif se caractérise par sa capacité à distinguer le domaine politique de la société civile, et à maintenir un monopole sur la décision politique, notamment la distinction entre ami et ennemi. Cette théorie est présentée comme une réponse aux crises de la République de Weimar, où l'émergence de partis totalitaires et pluralistes a fragmenté l'unité politique et affaibli l'État. Schmitt argue que seuls un État fort et une économie saine peuvent garantir l'ordre et la sécurité, en s'appuyant sur des piliers institutionnels comme la bureaucratie et l'armée.
Pour Schmitt, l'échec de Weimar réside dans l'incapacité de l'État à contrôler les forces centrifuges de la société, notamment les partis politiques qui instrumentalisent le parlement pour servir leurs intérêts particuliers. Il propose une dépolitisation de la société et un renforcement des pouvoirs présidentiels, via l'article 48 de la Constitution, pour permettre à l'État de retrouver sa souveraineté. Schmitt envisage également la création d'une chambre haute représentant les intérêts organisés de la société, afin de compléter le parlement libéral et de favoriser un consensus autour du bien commun.
Cette théorie de l'État qualitatif influence son engagement initial avec le régime nazi. Schmitt croit possible de transformer le IIIe Reich en un État fort et légitime, mais il se heurte rapidement à la réalité d'un régime qui confond État et mouvement, et qui instrumentalise la société à des fins idéologiques. Sa déception le conduit à reconsidérer sa position et à utiliser Hobbes pour exprimer ses critiques envers un régime qui ne respecte pas l'axiome protection-obéissance.
---
---
timestamp: "00:10:51"
marker: "!"
title: "Schmitt et le national-socialisme : engagements et désillusions"
quote: "Schmitt entra dans le IIIe Reich en homme marqué."
details:
Schmitt s'engage avec le régime nazi en 1933, croyant pouvoir influencer sa construction en tant qu'État qualitatif. Il rejoint le parti nazi et participe à des commissions juridiques, espérant contribuer à la formation d'un État fort et légitime. Cependant, son passé d'intellectuel catholique, ses liens avec des juifs et des marxistes, ainsi que ses critiques antérieures du nazisme le rendent suspect aux yeux des idéologues du régime. Schmitt est rapidement attaqué par les théoriciens nazis qui rejettent sa conception de la primauté de l'État sur le mouvement et le peuple.
Les attaques de la SS en 1936 marquent un tournant décisif. Schmitt est accusé d'opportunisme et contraint de se retirer de la vie publique. Cette marginalisation le conduit à reconsidérer son engagement et à craindre pour sa sécurité. Il se replie sur ses activités universitaires et oriente ses recherches vers le droit international et les relations internationales, domaines qu'il estime moins exposés politiquement. C'est dans ce contexte qu'il retourne à l'étude de Hobbes, cherchant dans la relation protection-obéissance une réponse à ses propres interrogations sur la légitimité du pouvoir.
Schmitt utilise ses écrits sur Hobbes pour exprimer ses réserves envers le régime nazi. Il insinue que l'échec du IIIe Reich à devenir un État qualitatif entraîne sa dégénérescence en un État purement répressif, où la protection des citoyens n'est plus garantie. Schmitt en vient à regretter la période de Weimar, qu'il juge finalement préférable au national-socialisme, car elle offrait une certaine sécurité juridique et physique, malgré ses imperfections.
---
---
timestamp: "00:18:46"
marker: "!"
title: "La relation protection-obéissance chez Hobbes et Schmitt"
quote: "Si la protection cesse, l'État cesse aussi, et toute obligation d'obéir cesse."
details:
Schmitt fait de l'axiome protection-obéissance le cœur de sa lecture de Hobbes. Pour Hobbes, la légitimité de l'État repose sur sa capacité à protéger les citoyens en échange de leur obéissance. Cette relation mutuelle est le fondement de tout ordre politique et juridique. Schmitt reprend cette idée pour critiquer les régimes qui exigent l'obéissance sans offrir de protection en retour, comme c'est le cas du IIIe Reich où l'arbitraire et la violence remplacent la sécurité juridique.
Schmitt souligne que la rupture de cette relation entraîne le retour à l'état de nature, où chaque individu retrouve sa liberté naturelle mais aussi l'insécurité et la violence. Dans le contexte nazi, Schmitt suggère que l'absence de protection légitime une résistance passive, où les citoyens se retirent dans leur for intérieur et n'obéissent que formellement au pouvoir, sans adhésion réelle. Cette résistance silencieuse sape l'autorité de l'État de l'intérieur, le rendant creux et mort.
Schmitt en vient à défendre un individualisme hobbesien, souvent mal compris, où l'État fort garantit les libertés individuelles en assurant la sécurité. Il rejette l'image d'un Hobbes théoricien de l'État totalitaire, soulignant au contraire que sa pensée est aux fondements de l'État libéral et constitutionnel bourgeois. Pour Schmitt, Hobbes est un défenseur de la liberté intérieure et de la raison privée, même si l'État contrôle les manifestations extérieures de la religion et de la pensée.
---
---
timestamp: "00:24:00"
marker: "!"
title: "La fracture entre intérieur et extérieur : le défaut du Léviathan"
quote: "À ce point entre dans le système politique du Léviathan la différenciation entre foi intérieure et confession extérieure."
details:
Schmitt identifie dans la distinction hobbesienne entre foi intérieure et confession extérieure la faille qui conduit à l'échec du Léviathan comme symbole politique. Hobbes accorde à l'individu la liberté de croire ou de ne pas croire en son for intérieur, tout en exigeant une obéissance extérieure aux commandements de l'État en matière de religion et de morale. Cette distinction, selon Schmitt, ouvre la porte à une privatisation de la croyance et à une neutralisation de l'État dans les questions de vérité et de justice.
Schmitt retrace l'histoire de cette fracture, montrant comment des penseurs comme Spinoza et Moses Mendelssohn ont inversé la relation entre liberté intérieure et pouvoir public, faisant de la première le principe formel et du second une simple proviso. Cette inversion a permis l'émergence de pouvoirs indirects (églises, sociétés secrètes, lobbies) qui sapent l'autorité de l'État de l'intérieur, en instrumentalisant les libertés individuelles pour servir leurs intérêts particuliers.
Pour Schmitt, cette évolution conduit à la mort du Léviathan : l'État devient une machine externe et creuse, incapable d'imposer une unité politique réelle. Les forces pluralistes de la société s'emparent de l'appareil étatique et le utilisent pour leurs propres fins, détruisant ainsi le monopole du politique et fragmentant l'unité de l'État. Schmitt voit dans le libéralisme et le pluralisme parlementaire les causes de cette destruction, car ils permettent aux ennemis de l'État d'utiliser ses propres institutions pour le affaiblir.