---
**chapter:** "1"
**title:** "L'Idéalisme Pratique comme Fondement"
**quote:** "L'idéalisme pratique est héroïsme ; le matérialisme pratique est eudémonisme."
**details:**
Coudenhove-Kalergi établit une distinction fondamentale entre l'idéalisme pratique, qu'il associe à l'héroïsme et à la croyance en des valeurs supérieures au plaisir et à la douleur, et le matérialisme pratique, qu'il décrit comme une recherche du bonheur et du confort. Il soutient que l'histoire humaine est marquée par cette opposition, plus profonde que les clivages théologiques. L'idéalisme, bien que souvent problématique, est à l'origine des plus grandes réalisations de l'humanité. Pour l'auteur, la démocratie politique ne peut être féconde que si elle remplace les pseudo-aristocraties de la naissance et de l'argent par une véritable aristocratie de l'esprit, où les leaders seraient choisis pour leur noblesse d'âme et leur intellect.
L'auteur développe l'idée que l'héroïsme est l'aristocratie de l'esprit. Dans la vision hégélienne qu'il adopte, l'idéalisme héroïque du Nord s'est manifesté dans la technologie, une réponse au défi posé par un environnement hostile. L'Européen, contrairement aux autres peuples, a combattu la nature jusqu'à la soumettre. Cette lutte a exigé et engendré l'héroïsme, faisant du héros la figure centrale de l'Europe, à l'image du saint en Asie. Le travailleur moderne est présenté comme le héros de cette époque technologique, un idéaliste pratique dont le but est le travail, par opposition au parasite qui ne cherche que la jouissance.
Coudenhove-Kalergi identifie le problème central du XXe siècle comme étant la nécessité de rattraper le progrès technologique du XIXe siècle par un progrès social et politique équivalent. Il met en garde contre le déséquilibre dangereux créé par une technologie qui avance plus vite que l'organisation sociale, un déséquilibre dont la Première Guerre mondiale fut un avertissement. La technologie offre à l'humanité un choix ultime : s'entendre ou se suicider. L'auteur prédit que les décennies à venir verront soit des catastrophes dévastatrices, soit un progrès politique sans précédent qui tournera une nouvelle page de l'histoire.
L'ouvrage se conclut sur un appel à l'action par l'idéalisme pratique. L'auteur affirme que l'ère de la guerre touche à sa fin et que son héritage sera le travail. L'humanité s'organisera un jour pour arracher à la Terre tout ce qu'elle lui refuse encore. Pour que ce développement advienne, il faut y croire et se battre pour lui, en combinant une connaissance claire des obstacles avec une volonté héroïque de les surmonter. Cet "optimisme de la volonté" doit compléter et vaincre le "pessimisme de la connaissance".
---
---
**chapter:** "2"
**title:** "L'Homme Rural et l'Homme Urbain"
**quote:** "Entre campagne et campagne, entre ville et ville, il y a de l'espace — entre ville et campagne, il y a du temps."
**details:**
Coudenhove-Kalergi présente une dichotomie fondamentale entre l'homme rural et l'homme urbain, qu'il décrit comme des opposés psychologiques. L'homme rural est concret, organique, irrationnel, émotionnel et superstitieux, vivant en symbiose avec la nature. Sa pensée et ses sentiments sont cristallisés autour du cosmos et de la puissance de la nature sur l'homme. En revanche, l'homme urbain est abstrait, mécanique, rationnel et sceptique. Il vit en symbiose avec la machine, qui le rend indépendant du temps et de l'espace, et croit au pouvoir de l'homme sur la nature. La ville est le lieu de tout progrès, mais elle prive ses habitants de la beauté naturelle, qu'elle compense par l'art.
L'auteur approfondit cette opposition en l'associant à des types nobles spécifiques. La fleur de l'homme rural est le noble terrien (Junker), qui incarne la noblesse de la volonté et du sang. La fleur de l'homme urbain est l'intellectuel (l'homme de lettres), qui incarne la noblesse de l'intellect et du cerveau. Le noble typique combine un caractère maximum avec un intellect minimum, tandis que l'intellectuel typique combine un intellect maximum avec un caractère minimum. Leur antagonisme est né d'une incompréhension mutuelle de leurs mentalités respectives, un conflit qui a, selon l'auteur, contribué aux échecs de l'Allemagne dans la guerre et la révolution.
La relation entre la campagne et la ville est décrite comme une relation de dépendance mutuelle mais conflictuelle. Toutes les villes tirent leur force de la campagne, qui est la source qui les renouvelle, la racine dont elles fleurissent. Inversement, toute la campagne tire sa culture de la ville. Cependant, ces deux mondes s'ignorent, se méfient l'un de l'autre et vivent dans une inimitié latente ou ouverte, qui se cache sous de nombreux slogans tels que l'internationale rouge et verte, l'industrialisme et l'agrarisme, ou le judaïsme et l'antisémitisme. La campagne est éternelle, tandis que les villes croissent et meurent.
---
---
**chapter:** "3"
**title:** "Endogamie et Métissage"
**quote:** "L'homme du lointain avenir sera un hybride. Les races et castes d'aujourd'hui tomberont victimes de la défaite grandissante de l'espace, du temps et du préjugé."
**details:**
Coudenhove-Kalergi avance que l'homme rural est principalement un produit de l'endogamie (reproduction entre individus génétiquement proches), tandis que l'homme urbain est un hybride (métissage). L'endogamie, typique des populations rurales et de la noblesse héréditaire, renforce le caractère mais affaiblit l'intellect. Elle produit des traits comme la loyauté, la piété, l'entêtement et l'énergie, mais aussi un esprit étroit et un manque d'objectivité. La conservation y prend la place du développement. À l'inverse, le métissage, caractéristique des grandes villes où se rencontrent différents peuples et classes, tend à affaiblir le caractère mais à renforcer l'intellect, favorisant l'objectivité, la versatilité et l'agilité mentale.
L'auteur développe les implications de ce constat pour l'avenir de l'humanité. L'homme endogame est un "homme d'une seule âme", uniforme et monotone, tandis que l'hybride est un "homme aux multiples âmes", varié et compliqué. La grandeur d'un esprit réside dans son extensity (sa capacité à tout embrasser), tandis que la grandeur d'une personnalité réside dans son intensity (sa force et sa persévérance). L'auteur note une contradiction entre la sagesse et l'action : une vision trop large et objective peut paralyser la volonté d'agir. Seul l'homme à l'esprit étroit, qu'il soit naïf ou héroïquement conscient, peut être pleinement actif.
Coudenhove-Kalergi prédit que l'homme du futur lointain sera un hybride. Les races et castes actuelles disparaîtront, remplacées par une "race eurasienne-négroïde du futur", extérieurement semblable aux anciens Égyptiens. Cette future humanité remplacera la diversité des peuples par une diversité d'individus. Le précurseur de cet homme planétaire en Europe est le Russe, en tant qu'hybride slave-tatar-finnois, l'archétype de l'homme aux multiples âmes. Son antipode est l'insulaire Britannique, l'homme d'une seule âme, endogame, dont la force réside dans le caractère et la volonté, et à qui l'Europe doit le type parfait du gentleman.
---
---
**chapter:** "4"
**title:** "La Mentalité Païenne et Chrétienne"
**quote:** "Le paganisme place la vigueur au premier plan de l'échelle de valeur éthique, le christianisme place l'amour."
**details:**
L'auteur identifie deux types d'âme en lutte pour la domination du monde : la mentalité païenne et la mentalité chrétienne. Le paganisme, dont l'idéal est le héros conquérant, valorise la vigueur, le courage, la grandeur, la liberté, la puissance, la gloire et l'honneur. Il cherche à transformer l'homme en Übermensch. Le christianisme, dont l'idéal est le saint aimant, valorise l'amour, la douceur, l'humilité, la compassion et l'abnégation. Il cherche à domestiquer l'homme. Ces mentalités ne correspondent pas parfaitement aux dénominations religieuses ; ainsi, le bouddhisme est un ultra-christianisme et l'américanisme un paganisme modernisé.
Coudenhove-Kalergi relie ces mentalités à des contextes géographiques et historiques. Le paganisme prospère dans les régions peu peuplées du Nord, où l'individu peut s'affirmer sans entrave. Le christianisme et son héritier moderne, le socialisme, sont des produits internationaux de la ville, nés dans les métropoles sans race comme Rome et les villes industrielles mélangées de l'Ouest. L'opposition au christianisme est historiquement venue des populations rurales (pagani), tout comme la résistance au socialisme vient aujourd'hui des campagnes. La mentalité chrétienne est un symptôme de vieillesse culturelle, tandis que le paganisme est un symptôme de jeunesse culturelle.
L'auteur attribue un rôle central au peuple juif dans la propagation de la mentalité chrétienne. Il affirme que dans la mesure où l'Europe est chrétienne et morale, elle est juive sur le plan éthique et spirituel. Le christianisme était un judaïsme régénéré. Les champions de la morale chrétienne, d'Augustin à Rousseau, Kant et Tolstoï, étaient des "juifs de choix" dans l'esprit. Aujourd'hui, les représentants les plus convaincants des idées chrétiennes modernisées – le pacifisme et le socialisme – sont des Juifs. Le peuple juif, en tant que peuple éthique par excellence de l'Occident, poursuit à travers le socialisme l'idée théocratique d'identifier la politique à l'éthique et de construire un royaume de Dieu sur terre.
---
---
**chapter:** "5"
**title:** "Crise de la Noblesse et Avènement de la Ploutocratie"
**quote:** "Notre époque démocratique est un misérable intermède entre deux grandes époques aristocratiques : l'aristocratie féodale de l'épée et l'aristocratie sociale de l'esprit."
**details:**
L'auteur décrit l'ère démocratique comme un interrègne dominé en réalité par une pseudo-aristocratie de l'argent, la ploutocratie. Le déclin de l'aristocratie féodale a commencé avec deux inventions : la poudre à canon, qui a mis fin à la suprématie du chevalier, et la presse à imprimer, qui a inauguré le règne de l'intellect. La démocratie formelle masque un système de pouvoir où les hommes politiques sont des marionnettes et les capitalistes les véritables maîtres d'œuvre. Cette ploutocratie est plus puissante que l'ancienne aristocratie car l'État est son instrument.
Coudenhove-Kalergi analyse les causes de la décadence de la noblesse héréditaire. L'urbanisation et l'absolutisme royal ont transformé les nobles libres et fiers en courtisans serviles, leur faisant perdre leur caractère, leur désir de liberté et leur leadership. Seuls les noblesses qui sont restées des leaders de l'opposition nationale, comme en Angleterre ou en Hongrie, ont survécu. La noblesse intellectuelle a également trahi sa mission, se dégradant en devenant servante du capital. Les journalistes, nouveaux orateurs détenant un immense pouvoir, manquent souvent de caractère et de responsabilité.
La ploutocratie est présentée comme une aristocratie de l'énergie et de l'intellect dans le domaine de l'acquisition de richesses, mais comme une pseudo-aristocratie sur le plan éthique et spirituel. Le système social capitaliste récompense l'efficacité égoïste et matérialiste au détriment des professions altruistes et idéalistes. De plus, la ploutocratie est en déclin ; les descendants des grands entrepreneurs dégénèrent dans le luxe, et les profiteurs de guerre forment une "kakistocratie" (gouvernement des pires) plutôt qu'une aristocratie. Sans autorité morale et sans valeurs esthétiques, la chute de la ploutocratie est inévitable, une chute dont la Révolution russe a marqué le commencement.
---
---
**chapter:** "6"