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title: "L'irréductibilité de l'homo economicus au sujet de droit"
quote: "l'homo economicus lui s'intègre à l'ensemble dont il fait partie [...] par une dialectique de la multiplication spontanée"
details:
L'homo economicus constitue un atome insubstituable d'intérêt qui traverse la pensée libérale depuis le XVIIIe siècle. Contrairement au sujet de droit qui s'intègre à l'ensemble social par une dialectique de renonciation ou de transfert de droits, l'homo economicus opère par une logique de multiplication spontanée des intérêts. Cette différence fondamentale implique une transformation majeure dans l'exercice du pouvoir souverain.
Alors que le sujet de droit limite traditionnellement le pouvoir souverain, l'homo economicus le met en déchéance en révélant son incapacité essentielle à dominer la totalité du domaine économique. Le souverain se trouve désormais face à un champ économique qui lui échappe aussi radicalement que les desseins de Dieu échappaient aux souverains médiévaux.
Cette irréductibilité de l'homo economicus représente un défi politique majeur à la conception traditionnelle de la souveraineté, nécessitant une reconfiguration complète des rapports entre pouvoir politique et activité économique.
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timestamp: "00:04"
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title: "Les deux solutions théoriques au problème de la souveraineté économique"
quote: "le souverain devra exercer un tout autre pouvoir que le pouvoir politique qu'il exercait jusqu'à présent"
details:
Face à l'autonomie du champ économique, deux solutions théoriques émergent. La première propose de limiter géographiquement la souveraineté en créant un "espace franc" du marché où le pouvoir politique ne pourrait intervenir. Cette solution maintient la forme traditionnelle de la raison gouvernementale tout en opérant une soustraction du domaine économique.
La seconde solution, développée par les physiocrates, implique une transformation plus radicale : le souverain doit adopter vis-à-vis du marché la posture passive d'un géomètre observant des réalités nécessaires. Il ne s'agit plus de décider mais de reconnaître et constater les mécanismes économiques, ce qui modifie en profondeur la nature même de l'activité gouvernementale.
Ces deux solutions restent cependant des virtualités théoriques. En pratique, c'est une rééquilibration complète de la raison gouvernementale qui s'opère, cherchant à articuler souveraineté politique et autonomie des processus économiques.
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timestamp: "00:07"
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title: "Le problème fondamental de la gouvernementalité moderne"
quote: "comment gouverner selon des règles de droit un espace de souveraineté [...] peuplé par des sujets économiques"
details:
Le cœur du problème politique moderne réside dans la nécessité de gouverner un espace de souveraineté habité par des sujets économiques irréductibles aux sujets de droit. Ni la théorie juridique du contrat, ni la mécanique pure du marché, ni le tableau économique des physiocrates ne fournissent à eux seuls une solution satisfaisante.
Cette impasse théorique conduit à l'émergence d'un nouveau plan de référence : la société civile. Ce concept permet d'envelopper simultanément les individus comme sujets de droit et comme acteurs économiques, sans pour autant se réduire à la simple combinaison de ces deux aspects.
La société civile apparaît ainsi comme le corrélatif nécessaire de l'art libéral de gouverner, permettant de maintenir l'unité de l'exercice gouvernemental tout en respectant la spécificité des processus économiques.
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timestamp: "00:11"
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title: "La société civile comme technologie gouvernementale"
quote: "la société civile c'est je crois un concept de technologie gouvernementale"
details:
Loin d'être une simple idée philosophique, la société civile constitue un concept opératoire dans une technologie gouvernementale spécifique. Elle permet l'indexation d'une gouvernementalité juridique à une économie entendue comme processus de production et d'échange.
Ce concept émerge historiquement comme réponse au triple impératif : maintenir l'unité de l'art de gouverner, préserver sa généralité sur l'ensemble de la sphère de souveraineté, et garantir son autonomie par rapport à la science économique.
La société civile n'est pas une réalité première et immédiate, mais une "réalité de transaction" qui se constitue à l'interface des gouvernants et des gouvernés, dans le jeu des relations de pouvoir et de ce qui leur échappe constamment.
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timestamp: "00:14"
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title: "La transformation sémantique de la notion de société civile"
quote: "la notion même de société civile a complètement changé au cours du 18e siècle"
details:
Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, la "société civile" désignait une société caractérisée par des liens juridico-politiques, indistincte de la "société politique". Cette acception se transforme radicalement avec l'émergence des problématiques économiques et des nouvelles exigences de gouvernementalité.
L'Essai sur l'histoire de la société civile de Ferguson (1783) marque un tournant en proposant une conception nouvelle où la société civile apparaît comme l'élément concret englobant les homo economicus étudiés par Adam Smith.
Cette reformulation permet de penser simultanément l'autonomie des mécanismes économiques et leur inscription dans un tissu social plus large, ouvrant la voie à une nouvelle articulation entre économie et politique.