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timestamp: "00:00:02"
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title: "Introduction à la gouvernementalité et au néolibéralisme allemand"
quote: "Le pouvoir ne peut en aucun cas être considéré ni comme un principe en soi ni comme une valeur explicative fonctionnant d'entrée de jeu."
details:
Michel Foucault introduit son cours en expliquant pourquoi il a choisi de se concentrer sur le néolibéralisme, particulièrement dans sa forme allemande. Il précise que son objectif n'est pas de retracer l'histoire de la démocratie chrétienne allemande ni de critiquer le gouvernement de l'époque, mais d'explorer une méthode d'analyse des relations de pouvoir.
Foucault développe le concept de "gouvernementalité", qu'il définit comme la manière dont on conduit la conduite des hommes. Ce concept sert de grille d'analyse pour comprendre les relations de pouvoir, qu'elles s'appliquent à des domaines spécifiques (comme la gestion des fous, des malades ou des délinquants) ou à des phénomènes plus larges comme les politiques économiques.
L'enjeu principal de cette analyse est de démontrer que l'étude des micropouvoirs n'est pas limitée par l'échelle ou le secteur, mais constitue plutôt une méthode de déchiffrement applicable à tous les niveaux de la société. Foucault insiste sur le fait que cette approche est un point de vue méthodologique plutôt qu'une question de domaine d'application.
Il justifie son focus sur le néolibéralisme allemand par des raisons à la fois méthodologiques et de "moralité critique". Cette dernière fait référence à la nécessité de comprendre les critiques contemporaines de l'État, qui selon Foucault, circulent actuellement de manière inflationniste sans analyse rigoureuse de leurs origines.
Foucault annonce ainsi un examen approfondi du néolibéralisme allemand comme cas d'étude pour appliquer sa méthode d'analyse des relations de pouvoir, tout en préparant le terrain pour une critique des discours anti-étatiques contemporains.
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timestamp: "00:03:36"
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title: "La phobie d'État et ses caractéristiques"
quote: "Ce qui est mis en question actuellement, c'est presque toujours l'État et sa croissance indéfinie, l'État et son omniprésence, l'État et son développement bureaucratique."
details:
Foucault identifie deux éléments centraux dans ce qu'il appelle la "phobie d'État" contemporaine. Premièrement, l'idée que l'État possède une puissance d'expansion intrinsèque, une tendance à croître qui le pousse à englober progressivement toute la société civile. Deuxièmement, la croyance en une continuité génétique entre différentes formes d'État (administratif, providence, bureaucratique, fasciste, totalitaire), comme si elles étaient les branches d'un même arbre étatique.
Foucault critique cette vision comme étant "inflationniste" pour trois raisons principales. D'abord, elle conduit à une interchangeabilité des analyses, où toute mesure étatique peut être ramenée à une pente glissante vers le totalitarisme, effaçant ainsi les spécificités de chaque phénomène. Ensuite, elle permet une disqualification générale "par le pire", où toute action étatique peut être critiquée en la comparant aux formes les plus extrêmes de pouvoir.
Troisièmement, cette critique évite selon Foucault d'analyser le réel et l'actuel, se contentant de projeter un "fantasme de l'État paranoïaque et dévorateur". Il souligne que cette critique ne s'applique pas à elle-même, ne questionnant pas ses propres origines et conditions d'émergence.
Foucault prépare ainsi le terrain pour montrer que ces critiques de l'État ne sont pas nouvelles, mais trouvent leur origine dans le néolibéralisme allemand des années 1930-1950, qu'il se propose d'analyser en détail.
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timestamp: "00:07:38"
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title: "Les origines historiques de la critique de l'État"
quote: "Cette critique de l'État polymorphe, omniprésent, tout-puissant, vous la trouvez dans ces années-là lorsqu'il s'agissait pour le libéralisme de se démarquer de la critique keynésienne."
details:
Foucault retrace l'origine historique des critiques contemporaines de l'État dans le néolibéralisme allemand (ordolibéralisme) des années 1930-1950. Ce courant développait une critique systématique de l'interventionnisme étatique, qu'il s'agisse du New Deal, du Front populaire, des politiques économiques nazies ou soviétiques.
Il cite deux textes emblématiques: d'abord Wilhelm Röpke en 1943 critiquant le plan Beveridge comme conduisant à plus de bureaucratie, plus de contrôle étatique et finalement à une "prolétarisation et étatisation" de la société. Ensuite Friedrich Hayek en 1943 avertissant que l'Angleterre risquait de connaître "le sort de l'Allemagne" non par invasion militaire, mais par adoption de politiques socialisantes qui, selon lui, avaient engendré le nazisme.
Foucault montre ainsi comment les thèmes actuels de critique de l'État (son expansionnisme, sa tendance au totalitarisme) étaient déjà parfaitement formulés dans ce contexte historique précis. L'originalité de sa démarche est de révéler la généalogie de ces discours qui nous semblent aujourd'hui naturels.
Cette analyse historique permet à Foucault de contester l'idée d'une continuité nécessaire entre État-providence et État totalitaire, préparation pour ses thèses ultérieures sur la spécificité des régimes totalitaires.
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timestamp: "00:14:43"
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title: "Contre la critique inflationniste : thèses sur l'État"
quote: "L'État totalitaire n'est pas du tout une exaltation de l'État mais constitue au contraire une limitation, une subordination de l'autonomie de l'État."
details:
Foucault avance plusieurs thèses fortes contre ce qu'il appelle la "critique inflationniste" de l'État. Premièrement, il rejette l'idée d'une continuité entre État-providence et État totalitaire, affirmant qu'ils ont des origines et des formes différentes.
Sa thèse centrale est que l'État totalitaire ne représente pas l'aboutissement ou l'exacerbation des mécanismes étatiques traditionnels, mais plutôt leur subordination à une nouvelle forme de pouvoir : la "gouvernementalité de parti". C'est cette gouvernementalité spécifique, non étatique, qui serait à l'origine des régimes fascistes, nazis et staliniens.
Foucault propose une inversion perspective : ce qui caractérise notre époque n'est pas la croissance de l'État, mais plutôt sa "décroissance" sous deux formes : la subordination à la gouvernementalité de parti dans les régimes totalitaires, et l'émergence d'une gouvernementalité libérale dans les régimes comme le nôtre.
Il insiste sur le caractère non normatif de son analyse : il ne s'agit pas de juger si ces transformations sont bonnes ou mauvaises, mais de comprendre leur logique propre. Cette approche permet de dépasser les critiques simplistes de l'État pour analyser les transformations réelles des mécanismes de pouvoir.
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timestamp: "00:22:07"
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title: "Le modèle allemand et sa diffusion"