Жиль Делёз & Феликс Гваттари [2008] Капитализм и шизофрения. Анти Эдип.pdf

Pages 1-673 (partie 1)

L'Anti-Œdipe : Capitalisme et Schizophrénie

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chapter: "Préface"

title: "Introduction à une vie non-fasciste"

quote: "« Anti-Œdipe » (et que ses auteurs me pardonnent) est un livre d'éthique, le premier livre d'éthique qui ait été écrit en France depuis assez longtemps."

details:

Dans sa préface, Michel Foucault présente L'Anti-Œdipe comme une œuvre majeure qui rompt avec le cadre intellectuel dominant des années 1945-1965, caractérisé par le triple impératif d'être familier avec Marx, Freud et les systèmes de signes. Foucault insiste sur le fait que l'ouvrage de Deleuze et Guattari ne propose pas une nouvelle théorie totalisante mais plutôt un "art de vivre" opposé à toutes les formes de fascisme. Il définit le livre comme une "introduction à la vie non-fasciste" qui nous enseigne comment détecter et combattre les microfascismes inscrits dans nos corps et nos comportements quotidiens, au-delà des seuls fascismes historiques.

Foucault identifie trois adversaires principaux de L'Anti-Œdipe : les ascètes politiques et bureaucrates de la révolution qui veulent préserver un ordre politique pur ; les techniciens misérables du désir que sont les psychanalystes et sémiologues qui réduisent le désir à la structure binaire du manque ; et enfin le fascisme sous toutes ses formes, y compris celui qui nous habite intérieurement et nous fait désirer notre propre domination. L'ouvrage propose ainsi une éthique pratique pour libérer nos paroles et actions de ces différentes formes d'oppression.

La préface énumère plusieurs principes pour une vie non-fasciste : libérer l'action politique de toute paranoïa totalisante, développer la pensée par prolifération plutôt que par hiérarchisation, se défaire du culte du Négatif (Loi, castration, manque) au profit du positif et du multiple, et refuser d'utiliser la pensée pour justifier une pratique politique unique. Foucault souligne l'humour comme arme stratégique du livre, qui invite constamment le lecteur à se libérer du texte tout en abordant des questions fondamentalement sérieuses.

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chapter: "1"

title: "Les machines désirantes"

quote: "Partout des machines, et pas du tout métaphoriquement : des machines de machines, avec leurs couplages, leurs connexions."

details:

Deleuze et Guattari développent le concept de "machines désirantes" pour décrire le fonctionnement du désir comme production continue. Le désir n'est pas une représentation ou un manque, mais un processus productif qui connecte des flux et des organes-partiels selon un mode binaire ("et... et..."). Le corps tout entier fonctionne comme un agencement de machines connectées : la bouche comme machine connectée au sein comme machine productrice de lait, l'anus comme machine excrétrice, etc. Cette vision s'oppose radicalement à la conception psychanalytique traditionnelle.

Les auteurs utilisent l'exemple de la promenade schizophrénique pour illustrer le fonctionnement des machines désirantes. Contrairement au névrosé sur le divan, le schizophrène en promenade établit des connexions directes avec le monde extérieur, devenant "machine chlorophyllienne" ou "machine de photosynthèse". Il dépasse les distinctions entre humain et nature, intérieur et extérieur, pour expérimenter la nature comme processus de production pure. Cette expérience montre comment le désir produit directement la réalité sans médiation représentationnelle.

Le concept de "production désirante" unifie production, enregistrement et consommation dans un même processus. Contrairement à l'économie politique classique qui distingue ces moments, la production désirante les intègre dans un flux continu où l'enregistrement est immédiatement consommé et la consommation directement reproductive. Cette approche matérialiste considère le désir comme un processus industriel fondamental qui précède toute distinction entre nature et culture, production et consommation.

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chapter: "2"

title: "Le corps sans organes"

quote: "Le corps est le corps / il est seul / il n'a pas besoin d'organes / le corps n'est jamais un organisme / les organismes sont les ennemis du corps."

details:

Le "corps sans organes" (CsO) constitue la surface d'inscription contre laquelle s'articulent les machines désirantes. Il représente l'élément anti-productif, stérile et non produit qui s'oppose à l'organisation organique. Inspiré d'Antonin Artaud, le CsO n'est pas un corps imaginaire ou projectif, mais une surface réelle de registration qui existe comme troisième terme dans la série des machines désirantes. Il fonctionne comme un œuf traversé de gradients et d'intensités pures.

Le rapport entre machines désirantes et corps sans organes est conflictuel : les machines cherchent à s'articuler sur le CsO, tandis que celui-ci résiste à cette organisation. Ce conflit produit d'abord la "machine paranoïaque" qui persécute le corps, puis la "machine transformatrice" qui attire et métamorphose les organes. Enfin, la "machine célibataire" réalise une réconciliation paradoxale, produisant des quantités intensives pures et des états de devenir qui définissent le sujet désirant.

Les auteurs établissent un parallèle entre le corps sans organes du désir et les "socius" des formations sociales. Le capital fonctionne comme le CsO du capitalisme, surface d'inscription qui semble faire provenir toute production de lui-même comme quasi-cause. De même, la terre pour les sociétés primitives ou le corps du despote pour les sociétés barbares remplissent cette fonction d'anti-production qui limite et enregistre la production sociale, créant un mouvement objectivement imaginaire où tout semble provenir de cette surface d'inscription.

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chapter: "3"

title: "Le sujet et la jouissance"

quote: "« Je sens que je deviens femme », « que je deviens dieu », etc., qui ne relève ni du délire ni de l'hallucination."

details:

Le sujet émerge comme résidu des synthèses désirantes, comme appendice mobile des machines désirantes. Il ne possède pas d'identité fixe mais naît et renaît de chaque état intensif qu'il traverse sur le corps sans organes. Ce "sujet nomade" se définit par la part qu'il prélève de la production et se reconfigure à chaque nouvel état, criant "C'est donc ça !" à chaque nouvelle configuration désirante. Il est toujours décentré, sur le bord du processus, jamais au centre occupé par la machine désirante.

La jouissance (Voluptas) apparaît comme l'énergie résiduelle de consommation qui anime le troisième synthèse de l'inconscient, le synthèse conjonctif "c'est donc ça !". Le juge Schreber illustre parfaitement ce processus : il reçoit un pourcentage constant de la jouissance cosmique comme récompense résiduelle pour ses souffrances et son devenir-femme. Cette énergie de consommation se transforme à partir de l'énergie d'enregistrement (Numen), elle-même transformée à partir de l'énergie de production (libido).

La "machine célibataire" produit des quantités intensives pures, des états de devenir qui précèdent le délire et l'hallucination. Ces intensités résultent de l'interaction des forces d'attraction et de répulsion sur le corps sans organes, créant une série ouverte d'états métastables. Le sujet schizophrène expérimente ainsi directement la matière dans ses intensités pures, devenant "Homo historia" qui consomme toute l'histoire universelle en s'identifiant à tous les noms de l'histoire comme autant de zones intensives sur son corps sans organes.

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chapter: "4"

title: "La psychiatrie matérialiste"

quote: "La schizophrénie est processus de production du désir et des machines désirantes, avant d'être maladie du schizophrène personnifié dans l'autisme."

details:

Deleuze et Guattari critiquent les approches psychiatriques traditionnelles de la schizophrénie (dissociation, autisme, être-au-monde) qui ramènent toujours le problème au Moi et à l'image du corps. Ils proposent plutôt une psychiatrie matérialiste qui comprend la schizophrénie comme processus de production désirante. Le délire n'est pas primaire mais secondaire par rapport au fonctionnement des machines désirantes, comme l'avait pressenti Clérambault avec sa théorie de l'automatisme mental.

Les auteurs s'opposent à la conception du désir comme manque, héritée de la tradition platonicienne et perpétuée par le psychanalyse. Contre cette vision idéaliste, ils affirment que le désir est production réelle : "S'il désire produit, il produit du réel." Le désir ne manque de rien, c'est plutôt le sujet qui manque au désir ou qui est fixé par le refoulement. L'objet du désir fait partie intégrante de la machine désirante, dans une relation de production directe.

Le manque n'est pas originaire mais produit secondairement par l'organisation sociale. La classe dominante organise la rareté dans l'abondance de production, poussant le désir vers la peur du manque. Cette "pratique du vide" de l'économie de marché fait dépendre l'objet d'une production réelle supposée extérieure au désir, tandis que la production désirante est reléguée au fantasme. La révolution consiste donc à reconnaître l'objectivité du désir comme production réelle.

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chapter: "5"

title: "Critique de la psychanalyse"